
photographiée par Doisneau
Louis Léopold Ollier (1830-1900), pionnier de la chirurgie expérimentale selon les principes émis par Claude Bernard, fut aussi l’un des pères de la chirurgie ostéo-articulaire conservatrice. À sa mort, toutes les pièces qu’il avait rassemblées au cours de sa carrière hospitalière, et qui témoignent des progrès considérables accomplis à la fin du XIXe siècle en matière de chirurgie osseuse, furent léguées à la Société nationale de médecine et à la Société des Sciences Médicales de Lyon, deux institutions qui fusionnèrent en 1921.
À l’occasion du centenaire de sa mort, l’équipe du Musée Testut Latarjet et la Société Nationale de Médecine de Lyon ont créé un musée dans le village natal d’Ollier en Ardèche. Notre ambition était de situer l’oeuvre d’Ollier dans son temps : ce musée évoque les débuts de la radiographie, de l’anesthésie, de l’asepsie et de l’antisepsie et aussi l’assassinat du président Carnot en 1894 par l’anarchiste Casério.
Le Musée Ollier des Vans est porté par une équipe de la commune et par son maire, J.-L. Roux, ce qui permet d’accueillir les visiteurs de juin à septembre.
L’Association des Amis d’Ollier, basée aux Vans, contribue à faire connaître l’oeuvre d’Ollier et à soutenir le musée.
Histoire de la chirurgie moderne et collection Ollier
Première moitié du XIXe siècle
La chirurgie de ce début de siècle est pratiquée par des virtuoses du scalpel, dont la rapidité et la dextérité faisaient la réputation. On comprend mieux en observant la chromo-lithographie de Gensoul (livre XX), dans laquelle ce célèbre chirurgien opère une résection du maxillaire en 8 minutes (extraction d’un morceau de mâchoire).

La souffrance du patient, la colossale mortalité dues aux infections (que l’on appellerait aujourd’hui « nosocomiales »), et l’hémorragie limitent encore le champ d’application de la chirurgie. Il est par exemple hors de question d’ouvrir l’abdomen, sous peine d’infection mortelle. L’appendicite, anciennementMiserere, tuait donc impitoyablement…

L’anesthésie
Les éponges d’Abulcasis (vers l’an 1000) ou les propriétés anesthésiantes de l’éther sont restées inconnues jusqu’à la moitié du XIXe siècle. Il faut attendre l’inhalateur de protoxyde d’azote de Wells, découvert en 1844 mais appliqué beaucoup plus tard, et l’inhalateur d’éther de Warren en 1846 (voir notre oxy-éthériseur de Jarricot, de la fin du XIXe). Les ampoules de prémédication (chlorhydrate de morphine) servaient à diminuer la mortalité post-anesthésique.
On s’attaque enfin au « coffre-fort » qu’est l’abdomen… avec un résultat épouvantable (mortalité proche de 100% à Paris vers 1860 !), au point que l’on a envisagé d’interdire la chirurgie…

L’hygiène chirurgicale
En effet, la notion de propreté, qui existait dans la médecine antique, s’est perdue au cours du moyen-âge. A cette époque (milieu du XIXe), on opère en rédingotte, avec la longue barbe de rigueur pour un chirurgien.
L’aseptie (Semmelweis, 1844) correspond simplement à un concept qui nous est habituel aujourd’hui : la propreté ! Semmelweis, accoucheur viennois d’origine hongroise, s’aperçoit que les sages-femmes, le matin, provoquent une mortalité maternelle nettement inférieure à celle des étudiants en médecine, qui accouchent l’après-midi. Curieux, Semmelweis intervertit les horaires : ce sont toujours les étudiants qui tuent le plus ! L’explication trouvée, et qui scandalisa le monde médicale, est que les étudiants passaient de la salle de dissection à la salle d’accouchement sans se laver les mains.
La thèse de Louis-Ferdinand Destouches, alias Céline, raconte que Semmelweis est mort fou, des suites d’une infection…

Il faut attendre l’antiseptie (Lister, 1867) pour voir encore baisser la mortalité dans des proportions incroyables, avec l’utilisation d’acide phénique vaporisé. C’est pour se protéger de ces vapeurs corrosives que l’on a progressivement troqué la tenue de ville pour la blouse, les gants chirurgicaux et le masque… (voir les gants en caoutchouc et la lettre autographe de Lister).
Si l’aseptie/antiseptie avait été inventée avant l’anesthésie, on aurait épargné probablement un nombre incroyable de vies humaines… Quoi qu’il en soit, les conditions sont réunies permettre les « 30 glorieuses de la chirurgie », pendant lesquelles la majeure partie des techniques chirurgicales actuelles ont été inventées.
Ollier et la chirurgie de l’os et de l’articulation
Le Musée a le privilège de présenter l’intégralité de la collection constituée par Léopold Ollier, qui fut offerte à la Société de Nationale de Médecine de Lyon par ses élèves Vincent, Mondan Gangolphe et Lannois. Une partie des pièces de la collection peut aussi être vue au Musée Ollier, que nous avons créé en 2000 dans son village natal des Vans en Ardèche méridionale.

Louis-Léopold Ollier (1830-1900), est le père de la chirurgie expérimentale ; il donna ses lettres de noblesse à la chirurgie ostéo-articulaire. Il découvrit que le squelette n’est pas cette armature passive que l’on s’imaginait, puisqu’il est capable de se régénérer. Il décrit les différents types d’ossification (à partir du périoste, à partir de cartilage, etc.), et en déduit les applications chirurgicales qui évitent l’amputation.
Comme Claude Bernard, Ollier utilise des expérimentations animales pour confirmer ses théories, qu’il publie dans son fameux « Traité des résections ». Les applications à l’homme sont évoquées par des dossiers de malades, avec des photographies, des lettres et des pièces anatomiques correspondantes que les patients s’engageaient à céder à Ollier après leur mort.
Ollier comprend le rôle du périoste (enveloppe entourant l’os) grâce à de nombreuses expérimentations animales (vers 1860) :
- Transfert de périoste sur la peau du front et les oreilles d’un lapin (une ossification a lieu !)
- Pont périosté : fragments de périoste placés sur l’os, pour prouver que le périoste fabrique bien de l’os
- Greffes homo et hétéro-plastiques
Il passe ensuite aux applications sur l’homme avec les resections d’épaule, de coude, de pied, etc.
A la mort d’Ollier, en 1900, une souscription mondiale servit à ériger deux statues monumentales en bronze, l’une à Lyon sur la place Ollier, qui fut déboulonnée et fondue par les allemands en 1941, et l’autre au village des Vans, qui évita ce sort grâce à la mobilisation des habitants.

(1898)
La radiographie
Röntgen découvrit en 1895 un type de rayonnement électro-magnétique bien plus énergétique que la lumière visible : les rayons X. Il en déduisit l’immense application de la radiographie, et en fit don à l’humanité en refusant de la breveter. A Lyon, Etienne Destot réalisa les premières radiographies et dès 1896, équipé et outillé, il créa le premier service de radiologie français dans une boutique désaffectée de l’Hôtel-Dieu. Ollier, y eu souvent recours à la fin de sa carrière.

1920